Audience solennelle du Tribunal de Commerce de Toulon : discours du Bâtonnier
Monsieur le Président,
Le 15 juillet dernier, nous nous sommes réveillés en pensant que nous étions encore enfermés dans un rêve tant les informations qui nous étaient données étaient incroyables au sens premier du terme.
La barbarie avait encore frappé à nos portes et l’une des nôtres en était la victime.
Myriam BELAZOUZ était pleine d’ambition, d’espoir et de dynamisme.
A travers elle, je veux rendre hommage à toutes les victimes du terrorisme.
Aucun repli, aucun renoncement, allons assister à un feu d’artifice, allons prendre un apéritif après notre journée de travail. Croyons en nos valeurs républicaines, c’est la meilleure réponse que nous puissions apporter.
Nous tous qui avons des responsabilités diverses, montrons à nos concitoyens qu’il ne faut pas chanceler.
Chaque coup porté à notre démocratie doit se traduire par une énergie supplémentaire de notre part.
Ce soif de défendre que nous avons chevillé au corps, nous Avocats, est peut-être plus encore exacerbé aujourd’hui.
Le barreau de Toulon compte près de 500 avocats compétents et dynamiques.
C’est un barreau engagé.
Que l’on ne nous dise plus, de grâce, que nous sommes contre la Réforme.
Ceux qui s’intéressent à la profession savent combien nous évoluons tous les jours.
Quelle profession a autant évolué depuis plus d’un siècle, sans jamais jusqu’alors perdre son âme, cette déontologie qui n’est pas faite pour nous mais pour ceux que nous défendons.
Dans le même temps, nous sommes de plein pied dans l’économie et nous travaillons sans filet, nous prenons tous les jours des risques pour faire progresser nos cabinets de plus en plus soumis à la concurrence et à la révolution numérique.
Nos luttes se sont poursuivies en 2016.
Le recours contre le décret du 26 février 2016
Le décret 2016-217 du 26 février 2016 a fixé la liste des tribunaux de commerce spécialisés et le Tribunal de Commerce de Marseille a reçu cette spécialisation au détriment de celui de Toulon.
Désormais les gros dossiers de procédure collective ne seront plus traités à Toulon mais à Marseille.
Pendant que l’on vous parle de maillage territorial, d’accès au droit et à la justice, on éloigne le justiciable de son juge.
Pur paradoxe.
Votre Tribunal a traité ces dernières années plusieurs gros dossiers sans que personne n’ait à s’en plaindre.
Au demeurant, les problèmes juridiques sont les mêmes, quel que soit l’importance du dossier.
Le barreau de Toulon a décidé, dans sa séance du 24 mars 2016, de former un recours à l’encontre de ce décret.
Si j’en crois les nombreux courriers reçus de nos élus du ressort, j’ai la conviction que nous avons eu raison de formaliser ce recours qui n’est toujours pas jugé à ce jour.
La défense du périmètre du droit
Devant votre Tribunal, l’Ordre de Toulon a dû croiser le fer avec le GIE CIVIS qui est intervenu devant le Tribunal de Commerce pour représenter ses assurés dans toute une série de dossiers.
Je vous rappelle qu’en la matière, la Cour de Cassation considère que les dispositions de l’article 853 du code de procédure civile, qui permet aux parties de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix devant le Tribunal de Commerce, ne peuvent avoir pour effet de déroger au principe selon lequel seuls les avocats peuvent assumer ces missions à titre habituel.
Je suis intervenu volontairement au nom de l’Ordre dans ces procédures pour protéger les intérêts de la profession et, au travers des avocats, ceux du justiciable.
Nous avons pour l’instant gagné ce combat puisque nous avons obtenu des représentants de ce GIE qu’ils se désistent.
Mais nous restons vigilants.
Les relations avec le Tribunal
Monsieur le Président, les relations entre le barreau et la juridiction commerciale sont bonnes, nous travaillons ensemble sur plusieurs sujets.
- La prévention des difficultés des entreprises
- les mesures alternatives aux procédures judiciaires
Je veux vous assurer de la volonté du barreau de Toulon de continuer à travailler sur ces questions.
Nous parlions de l’évolution de la profession, nous sommes prêts et formés pour ne plus être seulement des « plaideurs » au sens Racinien du terme mais également des professionnels qui accompagnent leurs clients vers des solutions négociées. Dans le processus de déjudiciarisation que nous connaissons actuellement, qui ne va pas s’arrêter, montrons-nous digne de cette confiance qui nous a été faite et demain d’autres domaines nous seront confiés.Je note d’ailleurs que des propositions en ce sens avaient été faites dans le rapport DELMAS – GOYON commandé par Madame TAUBIRA dans le cadre du projet J 21. Le barreau de Toulon est très investi dans le réseau transmettre et reprendre qui a été voulu par le DGE de Bercy.La convention nationale a été signée par l’APCE, les chambres de métiers, BPI France, les CCI, le conseil national des barreaux, l’ordre des experts-comptables et le conseil supérieur du notariat.Quel est le constat ?Il ressort de cette étude que près de la moitié n’ont pas songé à la transmission de leur entreprise. Il y a donc un très gros travail à faire dans l’intérêt de notre économie.C’est la raison pour laquelle je prendrai rendez-vous très prochainement avec les représentants des chambres consulaires pour évoquer ce sujet capital pour l’emploi et l’économie.
Vous voyez que l’Avocat peut aussi être un acteur économique et nous avons bien l’intention de jouer pleinement ce rôle.
Les axes de travail seront fixés au niveau régional mais tous les partenaires sont d’accord pour considérer que nos actions vont se situer au niveau local.
Songez que de très petites entreprises, des artisans, n’ont même pas conscience de la valeur patrimoniale de leur fonds.
Une étude réalisée par la chambre régionale de commerce montre qu’environ 55 000 entreprises sont potentiellement concernées, ce qui représente 270 000 emplois, c’est-à-dire 37 % des emplois régionaux.
Le déploiement régional et nous devrions signer la convention régionale en ce début d’année.
Ce réseau a pour mission principale de favoriser la transmission et la reprise des entreprises. On peut regretter à de nombreux égards que la loi J 21 soit beaucoup plus modeste que les nombreuses propositions qui avaient été faites. Notre déontologie est une garantie pour le justiciable Le législateur vient de nous donner pleine compétence pour régler les divorces par consentement mutuel.
L’acte d’Avocat
L’année 2016 marque également l’avènement de l’acte contresigné par avocat dans le code civil (article 1374).
C’est une garantie supplémentaire pour le justiciable.
Parlez-en à votre avocat.
Cet acte d’avocat peut être utilisé dans tous les domaines et notamment
- Droit commercial : rédaction de statuts, cessions de fonds, de parts, contrats commerciaux
Vous le voyez, notre Barreau n’a aucunement l’intention de se replier sur lui-même, il est plus combatif que jamais et ce caractère profite à nos clients.
Dans ce temps de bouleversement pour nos professions, loin d’avoir la nostalgie du passé, nous entendons être acteurs de notre avenir.
Je termine en vous souhaitant une bonne et heureuse année 2017, en espérant que la paix soit au rendez-vous et nous permette à chacun d’entre nous de mener nos combats.
Je vous remercie de votre attention.
Eric GOIRAND
Bâtonnier de l’Ordre